669 est un thriller du duo formé par le journaliste Eric Giacometti et l’écrivain Jacques Ravenne. Il forme le cinquième opus de leur série intitulée La saga du soleil noir. Le titre est paru aux éditions Jean-Claude Lattès en 2022 et bénéficie d’une édition en livre de poche.

Quelle est l’histoire ?

Au sommet de la tour Eiffel, un dignitaire nazi est sauvagement assassiné, le seul indice retrouvé sur les lieux est un nombre écrit en lettres de sang : 669. La police française et la Gestapo semblent impuissantes à résoudre ce mystère auquel s’ajoute par la suite un second meurtre, celui d’une aristocrate française frappée du même sceau. La SS décide alors de forcer Tristan Marcas, un agent double, au passé parfois troublé, à les aider dans leur quête de sens : que veut dire ce nombre mystérieux ?

Et les archives dans tout ça ??

Ce récit est l’occasion de faire connaissance de manière plus approfondie avec l’obsession d’Heinrich Himmler pour l’occultisme, la recherche sur les pseudo racines de la race aryenne qui l’ont conduit à créer dès 1935 l’Ahnenerbe Forschungs und Lehrgemeinschaft qui se veut un institut « pour la recherche et l’enseignement sur l’héritage ancestral. Ses équipes sillonnent le monde et parcourent bibliothèques et archives à la recherche d’informations réelles ou fantasmées.

Ici, il est question d’un département particulier, le commando Hexen dont le récit nous apprend qu’il « n’avait de commando que le nom, il était composé de bibliothécaires et d’archivistes qui réceptionnaient et triaient les livres spoliés par les SS« . En effet, Himmler était obsédé par le sort réservé aux sorcières des siècles passés dans l’Empire germanique. Il y voyait la persécution des anciennes croyances par un christianisme intransigeant. Ce commando Hexen va démanteler des centres d’archives et des bibliothèques pour regrouper tout ce qui peut concerner ce sujet précis. Le roman montre d’ailleurs le travail minutieux des archivistes d’Himmler, notamment, un « jeune assistant assis derrière le bureau central, occupé à classer des fiches de lecture ». Oui, pas de tableur excel en 1944 mais des fiches cartonnées !

La description physique du jeune archiviste n’est pas vraiment flatteuse : « le nouvel archiviste se leva à la seconde et la rejoignit d’un pas claudicant. Il avait à peine la trentaine, mais en paraissait dix de plus. Le caporal Dieter Orbeck avait seulement passé un an sur le front de l’Est, mais il en était revenu avec une plaque d’acier dans le dos et un doigt en moins (…) un coup de pouce de son oncle, le fabricant des chaussettes de la SS lui avait facilité sa nouvelle affectation, loin des horreurs du front« . Ayant l’air d’être plus âgé qu’en réalité et pistonné, voire planqué, tous les clichés sont réunis dans ce paragraphe. Toutefois, le jeune homme est intelligent et efficace, ce qui rattrape la description peu flatteuse qui en est faite.

L’ouvrage est également l’occasion d’évoquer la rivalité existant entre Heinrich Himmler et Alfred Rosenberg qui, de son côté, avait crée à Francfort un centre de documentation juive avec une section classement et archivage. Ce théoricien du Reich qui pensait créer une sorte de religion nazie avait lui aussi spolié des centres d’archives hébraïques et maçonniques notamment. Il existait donc une véritable compétition, une course aux archives entre les deux hommes, accélérant la spoliation des centres existants au profit de collections factices. Toutes les archives confisquées ont d’ailleurs été ensuite dispersées et envoyées pour partie à Moscou, avant de revenir dans leur pays d’origine au compte-goutte. Un vrai désastre archivistique.

Après cette étonnante et glaçante visite dans les archives passées aux mains des nazis, les auteurs offrent un panorama plus classique avec la mention des archives de la police française et notamment des « sommiers généraux », les fichiers de la préfecture de police de Paris qui contiennent des renseignements sur tous les individus ou les groupes sous surveillance. Dans cet ouvrage, cela permet à l’enquêteur de savoir à qui il a affaire au cours de ses interrogatoires et de ses enquêtes de terrain.

Enfin, le récit permet d’évoquer les lebensborn, des « maternités » où les SS étaient envoyés pour féconder des femmes choisies pour leurs racines « aryennes » afin de donner naissance à une future élite. Cette histoire est bien connue car comme l’écrivent Giacometti et Ravenne « vous connaissez l’obsession administrative des Allemands, ils notent, classent, répertorient, archivent tout« . Il est hélas connu que les régimes autoritaires sont de grands pourvoyeurs d’archives puisqu’ils contrôlent la population à coup de rapports et de surveillance constante. En voici un bel exemple. Malgré les destructions précipitées à la chute du Reich, il reste de nombreuses archives exploitées et à exploiter.

Un archiviste à la limite de la caricature, des archives spoliées et convoitées, des secrets éventés, voici un cocktail détonnant qui montre la fascination que peuvent exercer ces archives sur les personnalités les plus diverses et, ici, les plus sombres.

Sonia Dollinger-Désert

Phare 23 est un récit de Hugh Howey, l’auteur de Silo. Le titre est publié en 2019 aux éditions Actes Sud, la traduction est assurée par Estelle Rouzet.

Quelle est l’histoire ?

Comme les gardiens de phare des temps passés, le narrateur assure la sécurité des vaisseaux qui traversent l’espace dans une solitude absolue. Dans ce XXIIIe siècle belliqueux, en proie à la guerre interstellaire, les gardiens de phare doivent guider les engins qui voyagent à travers l’univers. Le gardien est rongé par les remords de son passé militaire et une infinie solitude qui sera bientôt rompue par des rencontres inattendues.

Et les archives dans tout ça ??

La station est décorée d’une vieille affiche représentant un gardien de phare au XXe siècle. Cette image d’un temps révolu intrigue et fait rêver le narrateur qui aimerait en savoir davantage. Il fait alors une demande « de renseignements à Houston après avoir cherché en vain dans les archives (…). » La quête individuelle est parfois complexe quand on cherche seul dans les archives, on ne sait pas trop par où commencer et on ne trouve parfois pas de réponse. Il faut alors se tourner vers une institution plus à même de le faire. On apprend à cette occasion que les demandes de renseignements sont contingentées et ne peuvent excéder une certaine quantité. Un peu comme les levées dans nos salles de lecture lorsque le nombre de documents par séance est limité. En outre, les informations recherchées sont très contrôlées et peuvent mettre en péril le narrateur s’il investigue sur des sujets sensibles.

Dans sa balise n°23, le narrateur dispose donc d’archives qu’il décrit ainsi : « les archives situées au fin fond de la balise 23 contiennent pratiquement tous les romans jamais écrits. Une expédition à l’aveuglette dans la base de données est un exercice de frustration : pour chaque livre que je pourrais apprécier, il en existe en gros trois milliards que je n’achèverai jamais (…)« . Comme souvent, les archives sont décrites comme étant dans le « fin fond ». Même dans l’espace, les archives sont donc symboliquement à la cave. Il s’agit ici davantage d’une bibliothèque virtuelle que d’archives, toutefois, la frustration du chercheur est bien décrite ici : des milliers de documents à compulser et des tas d’informations qui pourraient nous échapper, des sujets de recherche à portée de main et il faut n’en choisir qu’un !

Pour tromper sa solitude, le narrateur recherche des sons dans les archives sans succès et s’amuse à enregistrer un son de carillon. Ici la quête archivistique est souvent synonyme de frustration car le gardien de phare trouve rarement ce qu’il cherche. La sécurité des archives de la flotte interstellaire laisse par ailleurs à désirer puisqu’il semble facile de pirater les bases de données pour avoir des informations sur le gardien de phare et son passé militaire.

Dans ce récit, les archives sont souvent sollicitées, sans grand succès ou avec prudence afin de ne pas laisser trop de traces. Entre frustration et curiosité, le narrateur ressemble à de nombreux lecteurs et nombreuses lectrices fréquentant nos salles de lecture. Fort heureusement, ils repartent souvent avec une réponse.

Sonia Dollinger-Désert

Dans l’ombre de la ville est un roman policier de James Conan, pseudonyme des deux auteurs anglais Helen Rappaport et William Horwood. La première est historienne et le second journaliste. Cet ouvrage signe le début de leur collaboration. Le récit paraît en 2007 puis en 2009 en France aux Presses de la Cité avant d’être édité en livre de poche.

Quelle est l’histoire ?

Octobre 1893, l’exposition universelle de Chicago ouvre ses portes. Le monde entier a les yeux tournés vers la capitale de l’Illinois, la fête bat son plein et permet à la ville de redorer un blason entaché par sa réputation de ville violente et mafieuse. Le maire Carter Harrison Sr fait tous les efforts possibles pour rendre sa cité attractive. Pourtant, au pied des gratte-ciel, la criminalité fait rage, les meurtres et les trafics gangrènent la ville. Anna Zemeckis, une jeune femme originaire de Lettonie et venue de New York, semble avoir été victime d’un assassinat. Son père adresse une lettre à Joseph Pulitzer dont l’une des pigistes, Emily Strauss le convainc de la laisser enquêter sur leur meurtre d’Anna. Elle va donc plonger dans les bas-fonds de Chicago, se confronter aux Meisters, maîtres des abattoirs et au cynisme de la grande bourgeoisie locale.

Et les archives dans tout ça ??

Les archives arrivent assez tard dans le récit, lorsqu’apparaissent les employés de l’agence de détectives Pinkerton. Deux des collaborateurs de l’agence, Toulson et Van Hale, sont missionnés pour enquêter sur l’affaire Anna Zemeckis et seront d’une aide précieuse pour Emily Strauss. Afin de préparer son intervention, Toulson compulse les archives de l’agence : « il en retira un dossier d’où il sortit quelques photographies qu’il contempla avec un profond dégoût. » Il s’agit de photographies de personnes disparues ou assassinées. Le regard porté sur les archives provoque un ressenti, ici le dégoût. Le regard porté sur les documents et les émotions qu’elles font ressortir, négatives ou positives, sont la vraie richesse des archives. Loin de cette image poussiéreuse, elles nous offrent un afflux d’émotions quand elles sortent de leurs cartons.

L’utilisation la plus surprenante du terme « archives » vient par la suite. Lorsqu’Emily Strauss se rend chez un photographe soupçonné de connaître des éléments de l’affaire Zemeckis, elle remarque une pancarte indiquant « large choix d’images d’archives. Consultable sur demande« . L’auteur indique que la journaliste demeure perplexe et se demande bien de quel type d’archives il peut s’agir. Sous cette appellation anodine se cache en réalité un trafic d’images pornographiques. L’utilisation du mot archives est donc un code destiné aux initiés… rassurons nos lecteurs, tel n’est pas le cas dans nos services ! Il s’agit ici de contourner la loi Comstock qui interdit la diffusion de « tout document imprimé, livres, magazines, photos dessins, ayant un contenu obscène.« 

Les archives médicales sont également primordiales puisque la récupération d’une liasse de documents dérobée dans un asile devient un enjeu majeur du récit, tout comme la falsification de certaines archives pour éviter de mentionner une cause de décès qui pourrait paraître suspecte. Les archives disent-elles toujours la vérité ? La preuve que non… Pourtant, elles permettent parfois de rétablir un droit. C’est pourquoi un surprenant personnage surnommé Monsieur Dingo accumule des archives pour pouvoir récupérer des terrains. Monsieur Dingo a empilé des caisses et des cageots et a classé ses documents « selon la classification décimale de M. Dewey« . Toutefois, un mot fait bondir les archivistes que nous sommes : sur un dossier est indiqué « divers ». L’ennemi de l’archiviste est soudainement sorti de sa boîte ! En l’occurrence, le mot divers sert à dissimuler des archives dont l’intérêt est majeur afin d’éviter qu’on puisse les repérer et s’en emparer.

Vecteur d’émotion, enjeu de pouvoir, là encore les archives ne sont pas neutres dans ce récit.

Sonia Dollinger-Désert

Le sourire d’Auschwitz, l’histoire de Lisette Moru, résistante bretonne est une bande dessinée scénarisée par Stéphanie Trouillard et illustré par Renan Coquin. Le récit est publié par l’éditeur des Ronds dans l’O. Comme le précédent récit de Stéphanie Trouillard, les lettres retrouvées de Louise Pikovsky, il s’agit ici d’enquêter à partir de quelques faits et reconstituer le parcours d’une femme au cœur de la Seconde Guerre mondiale.

Quelle est l’histoire ?

Alors qu’elle donne une conférence sur la Résistance dans le Morbihan, Stéphanie Trouillard est interpellée par un homme âgé qui lui révèle le parcours de sa tante qui a appartenu à la Résistance. Cela donne l’idée à l’autrice de travailler sur les résistantes du Morbihan. En cherchant sur le site mémoire vive, elle tombe sur la photo d’une jeune femme prise à Auschwitz. Ce qui l’intrigue ? Le sourire de la prisonnière qui contraste avec le contexte dans lequel la photographie a été prise.

Et les archives dans tout ça ??

Travailler sur la Seconde Guerre mondiale, c’est avant tout, à l’heure où les témoins ne sont plus très nombreux, travailler à partir d’archives. C’est d’ailleurs une photo d’archives, celle de Lisette Moru, qui marque le point de départ de la recherche de notre narratrice. Le début des recherches se déroule certes sur internet mais, très vite, l’autrice procède à une enquête de terrain à la recherche de témoignages oraux, de personnes qui pourraient lui offrir quelques renseignements sur Lisette. Chaque personne rencontrée a un petit dossier de documents qu’elles mettent à disposition de l’enquêtrice et qui lui permettent de préciser son parcours.

Stéphanie Trouillard est également en contact avec le Service historique de la Défense et notamment la section de Caen, consacrée aux archives des victimes des conflits contemporains qui lui envoie des copies des dossiers de Lisette Moru et de son compagnon Louis Sèche. Ces documents sont primordiaux pour sa recherche car ils précisent les motifs et les conditions de déportation des deux jeunes gens.

Méthodiquement, Stéphanie Trouillard se rend dans les services d’archives départementaux d’Ille-et-Vilaine et du Morbihan. Dans le premier, l’autrice montre bien la prévenance de l’archiviste qui a préparé les dossiers à l’avance afin de faciliter sa recherche. Il s’agit d’un dossier d’enquête lié à l’Epuration qui va permettre de comprendre les circonstances de l’arrestation de Lisette. De ces archives émergent des destins contraires : jeunes résistants remplis d’espoir dans un avenir meilleur et collaboratrices misant sur une victoire de l’Allemagne. Loin d’être des documents administratifs sans âme, ces archives sont ce qui permet de maintenir en vie et de rendre justice à un destin trop vite brisé.

A Vannes, ce sont les registres d’écrou qui révèlent le sort de Lisette et Louis, l’enquêtrice retrace ainsi le parcours qui les a conduit jusqu’à Auschwitz pour Lisette et Sachsenhausen pour Louis. C’est à l’entrée d’Auschwitz qu’est prise la photographie intrigante montrant le sourire de Lisette. Est-elle consciente qu’elle pose pour l’Histoire ? Les nazis qui voulaient effacer ces gens de la surface de la terre ont, paradoxalement, avec ces photographies, laissé trace de leur cruauté mais aussi de la vie qui se faufile dans les lieux les plus inattendus. Cette photographie, perdue au milieu de milliers d’autres, a attiré l’attention de Stéphanie Trouillard presque 80 ans plus tard, ressuscitant Lisette Moru et son combat pour la liberté.

Les services d’archives sont fort bien mis à l’honneur : Renan Coquin en dessine l’architecture, on y voit un archiviste affable et les liasses d’archives apparaissent en gros plan, marquant leur importance dans le récit.

Cet ouvrage est un hommage à toutes ces archives encore inexplorées qui révéleront des morceaux d’existences héroïques, à toutes ces vies qui ne demandent qu’à ressurgir. Gageons que Stéphanie Trouillard n’a pas fini d’explorer nos dépôts d’archives et de découvrir d’autres pépites et souhaitons-lui de nombreux disciples !

Sonia Dollinger-Désert

Les Anonymes – A simple act of violence en version originale – est un thriller de l’écrivain britannique R.J Ellory paru en France en 2010 chez Sonatine Editions puis en 2013 en livre de poche. L’auteur campe dans ce récit une Amérique reaganienne cynique et impitoyable.

Quelle est l’histoire ?

Quatre meurtres de femmes se sont déroulés à Washington DC. Les inspecteurs chargés de ces affaires relèvent de troublantes similitudes entre ces assassinats. L’hypothèse d’un tueur en série sévissant dans la capitale est alors la plus probable. Toutefois, l’inspecteur Miller est intrigué par le profil de la dernière victime qui vivait sous une fausse identité : était-elle inscrite dans un programme de protection de témoins ? Plus l’inspecteur avance dans son enquête, plus il rencontre d’embûches et de cadavres semés sur son chemin. Et si cette histoire de tueur en série cachait en fait des opérations secrètes ? Avec ce thriller, le lecteur est plongé en plein cœur de l’histoire contemporaine des Etats-Unis, dans une période où la guerre froide sert encore de prétexte aux plus sombres manœuvres du gouvernement américain en Amérique centrale et en Amérique du Sud.

Et les archives dans tout ça ??

Classiquement, les enquêteurs vérifient les identités des personnes décédées dans l’état-civil et se tournent donc vers les archives contenant les registres de naissance et les archives des hôpitaux. Première énigme : rien ne correspond, les inspecteurs ne retrouvent aucune information sur les victimes. On débute donc avec une utilisation courante des archives mais qui, cette fois, ne donne aucune information, ce qui est, finalement, une information en soi. La recherche dans les archives médicales du comté n’aboutit pas non plus. Comme tout le monde est censé avoir au moins un acte de naissance, cet état de fait intrigue nos enquêteurs. Les archives sont la preuve de l’existence d’un être humain, leur absence est donc un indicateur de dysfonctionnement.

Lorsqu’il s’avère que les meurtres ont, peut-être été commis par des individus différents, les enquêteurs pensent tout de suite que l’un d’entre eux a pu fouiller dans les archives des meurtres précédents pour en imiter le processus, ce qui n’est pas très rassurant pour la sécurité des données conservées au sein de la police, à moins, bien sûr, que le suspect ne soit lui-même policier.

Un peu plus loin, une jeune femme dont le mari a été tué dans des conditions suspectes ne peut, elle, accéder aux archives pour plusieurs raisons : elle n’est pas habilitée et, par ailleurs, les archives ont quitté le commissariat selon un procédé expliqué par l’agent d’accueil : « les dossiers sont archivés au bout de cinq ans. Toutes les informations que j’aurais pu avoir ici ont été archivées il y a un mois, à la suite de quoi elles ont complètement disparu de la base de données. » Les données archivées ne sont donc plus disponibles auprès du service producteur qui, lui même n’y a plus accès et, plus inquiétant, ne semble pas savoir comment faire pour les consulter. Ici, l’archivage est assimilé à une disparition totale. Peu après, la jeune femme a une explication : les données sont transférées automatiquement dans un système d’archivage électronique dont l’interlocutrice garantit la fiabilité, ce qui est d’autant plus inquiétant qu’on ne retrouve pas le dossier demandé. Le thème de ce thriller semble être « à la recherche de l’archive perdue », ce qui démontre, en creux, l’importance de la bonne gestion des archives et de la maîtrise de l’information dans une société. La demanderesse est exaspérée par les services qui la renvoient les uns vers les autres et ne parviennent pas à trouver le dossier qu’elle recherche. Cela rappelle certains usagers usés par leurs démarches et qui arrivent à bout de nerfs aux archives et qu’il faut rassurer et calmer, ce qui n’est pas toujours évident. Ici, la demanderesse recherche des informations sur son ex mari qui s’est fait tuer et en a besoin pour faire son deuil et expliquer les choses à sa fille de neuf ans. Tous les archivistes ont déjà eu affaire à des personnes en recherche d’identité ou d’informations leur permettant de tourner une page ou de progresser dans leur vie, c’est de la responsabilité de l’archiviste d’accompagner ces démarches.

Puisque l’affaire semble sensible, l’accès à ces archives pose un petit souci : comme par hasard, elles ont disparu : « L’ancien bâtiment des archives a subi une inondation il y a deux ou trois ans. Une grande partie des archives a été irréparablement endommagée. » La bonne vieille excuse de l’inondation ou de l’incendie… qui est, parfois, hélas, une réalité. Pour combler ce vide archivistique, Natasha se rend alors à la bibliothèque pour éplucher les archives de la presse qui lui offrent quelques informations. Oui, une destruction d’archives n’empêche pas forcément que d’autres gisements de documents contiennent une information capitale.

Les archives bancaires sont également mobilisées dans cette enquête touffue tout comme les archives policières pour tenter d’identifier un suspect par ses empreintes et tenter de trouver la photographie d’un agent de police. Ce moment nous vaut une description de la salle d’archives du commissariat : « la salle des archives donnait à voir l’éternel spectacle : des classeurs à tiroirs hétéroclites alignés tout autour de la pièce, et plein de tables au centre, dont certaines croulaient littéralement sous les dossiers. » Si cette description ne donne pas une image de salle ordonnée, on est toutefois rassurés car les archives sont à l’étage et donc ni à la cave, ni au grenier ! Pas de contrôle d’accès, les inspecteurs fouillent dans les dossiers sans aucune limite.

Enfin, plus original et plus macabre, un membre de la CIA évoque un technique d’archivage bien particulière : c’est le nom donné à l’empilement de cadavres lors d’opérations spéciales : on les entasse sur des planches, on les recouvre d’une bâche et on cache l’odeur avec de l’eau de lavande… Fort heureusement, cette technique ne concerne pas les archivistes que nous sommes !

Sonia Dollinger-Désert