Guy Lefranc est un personnage de bande dessinée créé par Jacques Martin en 1952. Ce dernier ayant travaillé au Journal de Tintin, il y côtoie Hergé et Edgar P. Jacobs, il fait également partie de ce qu’on a appelé l’Ecole de Bruxelles. Parmi ses autres œuvres les plus célèbres figurent la série Alix qui se déroule sous l’Antiquité ou la série Jhen dans laquelle le héros évolue au Moyen Age.
Guy Lefranc est un reporter qui sillonne le monde et résout des enquêtes périlleuses dans lesquelles il met sa vie en danger comme nous avons pu le constater dans notre précédent billet portant sur le numéro 28 de la série, le Principe d’Heisenberg. Jacques Martin en profite pour évoquer des thématiques qui lui sont chères comme la technologie muselée pour des raisons politico-financières, les complots en tous genres et les voitures pour lesquelles il se passionne. Après la mort de Jacques Martin en 2010, le personnage est repris par d’autres scénaristes et dessinateurs.
Le Scandale Arès est le trente troisième tome de la série, sorti en 2022 aux éditions Casterman. Le scénario est l’oeuvre de Roger Seiter, d’après un synopsis de Jacques Martin, le dessin est signé Régric et les couleurs Bruno Wesel.
Quelle est l’histoire ?
Au printemps 1956, le journaliste Guy Lefranc déjeune à la brasserie Lipp en compagnie de son rédacteur en chef et d’une jeune Allemande prénommée Marlène. Cette dernière leur conte l’histoire de son père, le colonel de la Wehrmacht, Karl von Lieds, seul survivant d’une mystèrieuse attaque d’avions sur sa colonne de chars le 16 juin 1940. Personne n’a pu identifier les avions mais Marlène conserve des photographies et le récit de son père et aimerait en savoir davantage sur la question.
Et les archives dans tout ça ??
Lorsque Marlène rencontre Guy Lefranc, elle lui confie les archives de son père sur l’attaque de la colonne de chars dans les Vosges en 1940. Le dossier est composé de photographies d’avions et de notes personnelles. Mais Marlène souhaiterait connaître le détail de l’histoire. Lefranc propose alors de se rendre aux archives militaires afin de tenter de trouver trace de ces combats.
Le lendemain, Marlène et Lefranc se rendent donc au Ministère des Armées et sont reçus par un militaire auquel ils expliquent leur démarche et leur souhait de pouvoir consulter les archives. Le militaire les abandonne un moment pour prendre l’avis du général Caseneuve qui refuse catégoriquement de communiquer les archives.
Le prétexte évoqué est le secret militaire, une question d’actualité à notre époque où les entraves à la communicabilité des archives secret-défense provoquent des débats de société. Le militaire indique donc à Lefranc qu’il va devoir faire une demande écrite et que les délais de réponse seront très longs, une habile manière de décourager les recherches. L’homme se montre inflexible malgré l’argument de Lefranc : « ce sont juste des documents historiques ». Or, en 1956, la Seconde Guerre mondiale n’est encore pas si lointaine et les décisions prises en 1940 relèvent, certes, de l’Histoire, mais peuvent encore être considérées comme des données sensibles.
Découragés par l’accueil reçu au Ministère, Lefranc et Marlène décident de partir enquêter sur le terrain, faute de pouvoir consulter les archives. Le blocage arbitraire des archives est très bien mis en scène dans ce récit, démontrant combien les délais édictés dans le code du Patrimoine sont là pour protéger le citoyen de l’arbitraire, à condition de ne pas être contrarié par des instructions interministérielles contradictoires.
Lorsque l’enquête progresse, Lefranc a de nouveau recours aux archives mais, cette fois, il s’agit de celles du journal L’Est républicain. La pièce est assez vieillotte, les rayonnages sont en bois et nécessitent une petite échelle pour atteindre les niveaux supérieurs. On relève que certaines boîtes sont à terre, signe d’un rangement aléatoire. Toutefois, Lefranc, son collègue journaliste et Marlène trouvent ce dont ils avaient besoin aux archives pour faire progresser leurs recherches.
Malgré les blocages dûs aux militaire refusant d’ouvrir leurs archives, Lefranc et Marlène progressent et finissent par découvrir la vérité sur ces avions qui ont bombardé les chars allemands en 1940. Refuser la communication ne fait que renforcer soupçons et fantasmes mais empêche rarement de connaître la vérité des faits, l’exemple cité dans ce récit pourrait valoir pour des situations bien plus actuelles.
Sonia Dollinger