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Attention Spoilers !

J’aime bien quand les jeux vidéo se lancent directement et me montrent des archives. Cela me facilite grandement la tâche !

Sea of Stars est un jeu vidéo RPG rétro dans lequel le joueur contrôle Valere et Zale, deux Guerriers Solstice ayant pour objectif d’arrêter les restes du redoutable Fleshmancer. Finalement, un troisième membre rejoint l’équipe, Garl, ami d’enfance de Valere et Zale. Le jeu propose des combats au tour par tour et des puzzles à résoudre par les personnages sur leur route pour accomplir leur destin et protéger leur royaume.

L’Archiviste, qui est en fait le premier personnage que nous rencontrons dans le jeu, encadre l’histoire. Le jeu s’ouvre sur un plan en mouvement au sein des Grandes Archives, une salle remplie de livres et de parchemins éparpillés. Quand l’Archiviste s’adresse pour la première fois au joueur, son sprite[1] est un bras reposant sur une chaise tournée vers l’intérieur, à l’abri des regards indiscrets, à la manière d’un Docteur Gang.

Sur le moment, l’introduction ne semble pas faire sens, mais à la fin du jeu, nous comprenons pourquoi l’Archiviste voulait nous parler de ses connaissances en alchimie. Certes, l’explication est longue à venir, mais ce n’est pas la première fois qu’un archiviste mentionne sa spécialité lorsqu’il se présente. Nous reviendrons plus tard sur les raisons pour lesquelles l’Archiviste est versé dans l’alchimie, mais pour l’instant, l’Archiviste donne une partie de son expérience tout en restant très vague. Plusieurs boîtes de dialogue plus tard, il explique au joueur qu’il essaie d’arrêter le Fleshmancer en revisitant des histoires du multivers et que celle que le joueur s’apprête à contrôler pourrait en détenir la clef.

J’ai pris la liberté d’extraire le texte du dialogue, cela aurait pris une éternité avec des captures d’écran.

« Après avoir passé des millénaires à répertorier tous les événements qui ont jalonné d’innombrables lignes temporelles, j’ai décidé de revenir ici pour réfléchir à tout ce que j’avais vu. En songeant à toutes les histoires qui remplissent ces livres et parchemins, j’ai eu récemment une illumination. Il semble que dans ma hâte, j’ai peut-être négligé la chose que j’espérais tant trouvée. De ce fait, j’aimerais revenir sur une histoire en particulier, une digne d’être connue. Et si les Brumes du temps autorisent une minime altération, je crois que la lueur d’espoir qui fut offerte autrefois pourrait encore s’épanouir. Alors accompagnez-moi ce soir, et nous explorerons un récit de grande aventure. De magie et de supercherie, d’amitié et d’émerveillement. Mais surtout, un récit d’héroïsme. Un récit qui, je le crois, offrira une vision précieuse dans la recherche d’une résolution aux affres du Fleshmancer. Je me sens un peu perdu au milieu de toutes ces lignes temporelles et de leurs subtiles variations…Mais je sais exactement laquelle fera un point de départ parfait. »

D’un point de vue personnel, j’adore la façon dont l’histoire est présentée comme un feuilleton. Comme si le joueur était arrivé par hasard et avait trouvé Schéhérazade qui avait besoin de quelqu’un pour tester son matériel.

Nous avons donc un alchimiste immortel qui se fait appeler l’Archiviste et qui a utilisé son immortalité pour cataloguer des lignes temporelles afin d’arrêter le Fleshmancer. Il y a plusieurs choses que le jeu fait avec l’Archiviste dès le départ. Tout d’abord, l’Archiviste est le narrateur de l’histoire. La partie à laquelle vous jouez est celle qu’il a choisie et dont il connaît vraisemblablement l’issue. Il est important de noter qu’il ne dit pas que l’histoire est gravée dans le marbre et qu’il espère que « les Brumes du Temps permettront une légère modification » afin que l’objectif principal puisse être atteint. À savoir, vaincre le Fleshmancer.

Une fois de plus, nous revenons à l’idée que les collections d’archives sont une vérité mais pas la vérité. Les archives sont des constructions de récits historiques. Elles ne sont pas parfaites et sont rarement définitives, donc le fait que l’archiviste de ce jeu signale qu’il y aura des modifications signifie soit que l’histoire est corrigée par le jeu et les choix des joueurs, soit que l’archiviste est en train de faire des magouilles temporelles pour ajuster quelque chose dans la narration. L’éthique de ces deux cas de figure dépend davantage de votre position dans le spectre.

L’ouverture joue également sur le trope des archives qui contiennent TOUTES les informations et des archivistes qui conservent en quelque sorte un niveau de connaissance inhumain de ce qu’ils ont dans leurs collections. Oui, l’Archiviste est immortel, mais l’immortalité ne signifie pas que votre cerveau évolue pour contenir une infinité de données. Pourquoi pensez-vous que tant de personnages, quel que soit leur support, perdent la raison lorsqu’ils reçoivent ne serait-ce qu’un iota de plus d’informations dans leur cerveau que ce à quoi ils sont habitués ? Dois-je faire appel aux Anciens de la franchise Stargate ? Parce que je vais faire intervenir les Anciens de la franchise Stargate ! À la décharge du jeu, l’Archiviste revisite les livres et les parchemins qu’il a rassemblés, ce qui signifie qu’il n’a pas une connaissance encyclopédique de tout ce qu’il a documenté.

Plus tard dans le jeu, le groupe d’aventuriers retrouve notre narrateur d’aujourd’hui dans les Grandes Archives – qui se trouvent au sommet d’une tour partiellement inondée – où ils sont chargés de quelques quêtes et découvrent l’histoire de l’Archiviste.

Il s’avère que l’archiviste est en fait Resh’an, un alchimiste qui a cherché à créer l’élixir de vie avec un autre alchimiste nommé Aephorul. Ils y sont parvenus, mais le prix de l’immortalité était leurs corps défigurés et décomposés. S’ils ont d’abord utilisé leur immortalité pour faire le bien, Aephorul est devenu amer et a commencé à créer des créatures maléfiques à l’aide d’une alchimie interdite, comme vous le faites. Il adopta alors son nouveau titre, le Fleshmancer. Dans une tentative désespérée d’arrêter le Fleshmancer, Resh’an pratiqua l’alchimie sur le continuum espace-temps, créant ainsi le multivers. Il prit alors le nom d’Archiviste et commença à documenter ses créations afin de trouver un moyen d’arrêter son vieil ami devenu ennemi.

Oui, il s’agit bien de manigances temporelles depuis le début et Resh’an se joint même à la partie en tant que personnage jouable ! Je ne peux pas parler de ses mécanismes de gameplay ou de la façon dont il se comporte dans le jeu, mais c’est toujours agréable quand un archiviste joue un rôle encore plus actif dans l’histoire. Un rôle qui implique des coups de pied, des coups de poing et des magies comme dans la vraie vie !

Je me demande ce qu’il adviendra des Grandes Archives une fois que Resh’an aura atteint son but. Si le but était de trouver un moyen d’arrêter le Fleshmancer et que seules les entités cosmiques/célestes peuvent traverser les lignes temporelles/univers, alors il y aura beaucoup d’informations sur des choses que les gens n’étaient pas censés savoir, qu’ils ne croiront pas, ou qui sont tellement niches qu’ils créeront un nouveau domaine d’étude juste pour leur donner un sens.

Les archives parfaites.

Samantha Cross

Billet traduit avec l’aimable autorisation de l’autrice, billet original publié sur son blog le 5 septembre 2023 et lisible ici : Archives in Video Games: Sea of Stars (pop-archives.com)


[1] Un sprite est un élément graphique qui peut se déplacer sur l’écran.

Star Wars Jedi Survivor est un jeu vidéo action-aventure développé par le studio californien Respawn Entertainment et édité par Electronic Arts. Il est sorti sur PC, PS5 et Xbox Series en 2023. Il est la suite du jeu Star Wars Jedi Fallen Order, édité pour sa part en 2019.

Quelle est l’histoire ?

Dans le jeu précédent, nous suivions Cal Kestis un padawan ayant survécu à l’ordre 66 d’extermination des Jedi. Il était alors à la recherche d’un holocron contenant les noms de tous les enfants sensibles à la Force de la galaxie, dans le but de recréer l’ordre Jedi. Il sera notamment accompagné dans sa quête par Cere Junda, une jedi survivante.

Cinq ans ont passé et nous sommes neuf ans avant la bataille de Yavin (décrite dans le premier film Star Wars). Cal est désormais un jedi accompli menant un petit groupe de rebelles à l’Empire. Après avoir perdu tout son groupe sur Coruscant, il part à la recherche de ses anciens compagnons. C’est alors qu’il apprend l’existence de Tanalorr, une planète inaccessible qui accueillerait un temple jedi de la Haute-République.

Et les archives dans tout ça ??

Star Wars et les archives, une vraie histoire d’amour, on pourrait presque créer une sous-catégorie sur le blog vu le nombre de billets concernant cet univers.

Après sa fuite de Coruscant, Carl atterrit sur la planète Koboh. Il y apprend que son amie Cere Junda, jedi survivante, se trouve sur la lune de Jedha au sein d’un groupe nommé « les Anachorètes ». Cal découvre le projet secret sur lequel œuvre ce groupe co-dirigé par Cere : la reconstitution des archives du temple jedi. Pourquoi une telle action ? Ayant abandonné l’idée de récréer l’Ordre à la fin du jeu précédent, Cere indique « essayer » de reconstruire les archives jedi, car « tant que ces connaissances perdureront, l’héritage des Jedi vivra ». Cere et son groupe œuvre en parallèle dans un réseau qui cache des personnes « persécutées par l’Empire ». Ces archives vont servir rapidement, pour trouver des traces de Dagan Gerra un jedi renégat aussi en quête de Tanalorr, refuge possible hors de portée des Impériaux. Les archives gardent trace de Dagan et de ses laboratoires sur Koboh et sa lune. C’est ainsi qu’est décidée la prochaine destination des protagonistes.

Cal découvre le projet des Anachorètes

Une fois que le moyen d’accéder à Tanalorr est découvert, il est décidé d’y transférer les archives ainsi que le réseau clandestin. Ce transfert ne se concrétisera pas. En effet, la base se retrouve alors attaquée par l’Empire. Cere mène les Anachorètes au combat dans le but d’éviter que les archives soient endommagées. Car au-delà des archives Jedi, il y a aussi les informations du réseau clandestin qui ne doivent pas tomber aux mains de l’Empire. Hélas les archives sont consumées par les flammes. Ne survivront à cet incendie que trois petits ouvrages papier reliés, embarqués par Cal.

Le feu, la hantise de tout archiviste

Les archives sont ici un enjeu, celui des archives d’un passé en cours d’effacement et de réécriture, les archives comme symbole d’une lutte contre la deuxième et dernière mort, l’oubli. Mais c’est aussi un enjeu de pouvoir et donc un bien qui se monnaie.

En effet, deux marchands vont vous échanger des biens utiles contre des documents et des données :

– Sœur Taske, membre des anachorètes vous échange des éléments de personnalisation de votre sabre contre des parchemins retrouvés sur la lune de Jedha.

– ZN-A4, surnommée Zee, est une droïde de la Haute République réveillée par Cal dans des ruines. Elle va alors installer une boutique où en échange de disque de données de la Haute-République que l’on retrouverait, elle fournira des éléments cosmétiques ainsi que des avantages (comme la possibilité d’absorber un dégât sans être interrompu dans sa course). Elle souhaite utiliser ses disques pour en extraire les données et les réutiliser.

La boutique de Zee

Enjeu de mémoire, enjeu de pouvoir, mais aussi bien de valeur, Jedi Survivor balaie de nombreux aspects des archives.

Marc Scaglione

Scarlet Nexus est un jeu vidéo japonais sorti en 2021 sur PC, Xbox et Playstation d’ancienne et nouvelle génération. Développé par le studio TOSE, cet action RPG (ARPG) est édité par Bandai Namco. L’histoire du jeu est aussi portée sur petit écran via une série animée de 26 épisodes, produite par le studio Sunrise et diffusée en France sur la plateforme Wakanim, maintenant Crunchyroll.

Quelle est l’histoire ?

Dans un futur lointain et alternatif, 99,9 % de la population humaine a développé des pouvoirs psychiques. Dans la nation de Néo-Himuka, les plus puissants servent comme soldats de la Brigade d’Extermination des Autres (BEA). Les Autres sont des créatures issues de la Ceinture de l’Extinction, un nuage de particules flottant dans l’atmosphère et attaquant régulièrement les villes. Nous suivons au choix Kasane Randall, fille adoptive d’une puissante famille enrôlée de force à la BEA ou Yuito Sumeragi, fils du président du pays et engagé volontaire. Ils vont bientôt découvrir que le monde qu’il croyait défendre ne le mérite peut-être pas.

Et les archives dans tout ça ??

Il y a plusieurs éléments classiques de représentation des archives. Nous pouvons débloquer un trophée « Archiviste » en trouvant dans une zone précise du jeu, l’hôpital abandonné, tous les rapports de recherche abandonnés.

De plus, lors de l’avancée de l’histoire, on réalise vite que les archives de la BEA ont été falsifiées. Lors d’une quête secondaire, Yuito assiste Gemma, un soldat vétéran dans sa quête pour retrouver un ancien compagnon d’armes retraité depuis peu. En fouillant dans les dossiers de la BEA, il est indiqué que la personne est décédée de maladie. On s’aperçoit vite qu’elle a été en réalité enlevée et utilisée comme cobaye pour d’innommables expériences, tests qui ont conduit à son décès.

Mais ce ne sont pas ces deux points les plus intéressants. Pour sauvegarder dans le jeu, que l’on joue avec Kasane ou Yuito, on doit systématiquement s’adresser à Satori l’archiviste. Quel est son rôle exactement ? Satori est a priori un homme. Je dis a priori, car il porte un uniforme fourni par la BEA à chaque archiviste et qui comporte un casque intégral. Je vais y revenir.

C’est Satori qui explique au héros et donc au joueur son travail. Pour chaque peloton de la BEA (soit des groupes de 4 ou 5 personnes), « un archiviste possède la plus sacrée des missions » selon lui. Grâce à leur pouvoir spécifique, les archivistes enregistrent les actions du peloton par deux biais : en accompagnant les troupes au front en observant leurs actions en retrait et aussi en lisant l’esprit des soldats. Satori en profite aussi pour amener sur le front un peu de matériel et sert ainsi de boutique ambulante. Néanmoins, il est ferme sur un point « les archivistes doivent rester impartiaux. […] Ne t’adresse pas à moi pour autre chose que le travail ». L’archiviste est donc un travailleur de l’ombre, qui peut soutenir les équipes, mais effectue aussi un travail administratif et a fortiori un travail de contrôle. Ce travail ingrat doit être le plus distant possible, expliquant ainsi le casque intégral.

Lorsque la guerre civile éclate et que la BEA se retrouve déchirée, Satori brise le silence et envoie un message au héros. Il indique s’être blessé au dos. Une blessure hélas bien connue des archivistes qui ont normalement pratiqué un moment ou un autre la manutention des boîtes d’archives et qui rappelle que pour un nombre d’archiviste, il y a de la pénibilité au travail. Il indique avoir quitté la BEA et être redevenu un « civil lambda ». Mais il doute de son futur et de son rôle. « L’archiviste en moi se demande si je dois arrêter. Les archivistes n’ont pas pour habitude d’abandonner un travail en cours ». Ainsi décide-t-il de continuer sa tâche d’archiviste comme civil. Comment sera-t-il rémunéré ? Ce n’est pas évoqué. Mais Satori indique lui-même « Il ne s’agit pas d’un passe-temps pour moi. Vraiment pas… ». Satori est l’exemple de la vocation, de l’archiviste passionné habité par sa mission, au risque de sa santé mais aussi de sa situation financière.

Satori brisera une dernière fois le silence juste avant l’affrontement final du jeu. Dans un message intitulé « Ma première et dernière lettre », il indique que son rôle était d’archiver pour l’histoire mais pas d’apprécier le contenu de ce qu’il archivait. Il devait rendre la vérité brute de la réalité. Mais que néanmoins, il était fier du héros et de son acharnement à avancer « J’archive toute l’histoire que tu as écrite. […] Mon travail n’est pas terminé ». C’est sa manière d’encourager le héros.

Ainsi Satori est l’exemple de la personne dévouée à sa tâche, passionnée, et donc parfois accablée voire tourmentée par son travail. Même si sa profession tient à la fois du chroniqueur et de l’archiviste, Satori est l’exemple de personnage non joueur (PNJ) archiviste avec peu de lignes de dialogue et pourtant un développement intéressant. Il nous interroge aussi : passionnés par notre métier, jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour continuer à l’exercer ? Cela nous pousserait-il à accepter de travailler pour des clopinettes voire bénévolement ? Ou à travailler jusqu’à des âges avancés ?

Marc Scaglione

Doctor Who The Lonely Assassins est un jeu vidéo sorti en mars 2021 et disponible sur PC, Switch, Xbox one, Xbox Series et PS4.  Il est produit par le studio Kaigan Games (Simulacra, Simulacra 2) et édité par Maze Theory. Il se déroule dans l’univers Doctor Who, une franchise de science-fiction britannique dont nous vous avons déjà parlé ici (lien vers autre billet). Doctor Who est à la base une série télévisée qui suit les aventures du Docteur, un extraterrestre de la race des Seigneurs du Temps, voyageant avec des compagnons humains à travers le temps et l’espace. Cet opus est un jeu de téléphone perdu. Vous devrez avancer dans le scénario à l’aide des seuls indices trouvés dans ledit cellulaire. Le jeu fait suite à l’épisode « Blink ». Le jeu existe en français (la traduction connaît quelques approximations).

Quelle est l’histoire ?

Vous, héros inconnu et anonyme, récupérez le téléphone de Lawrence Nightingale alias Larry. Le téléphone sonne alors, il s’agit de Petronella Osgood. Cette dernière est à la recherche de Larry et elle vous demande de l’aider à le retrouver. Vous allez donc fouiller son téléphone à la recherche d’indice.  

Et les archives dans tout ça ??

En avançant dans les recherches, vous réussissez à débloquer de nouveaux éléments du téléphone. Vous tombez sur un mail envoyé par les Archives métropolitaines, sans que la ville ne soit spécifiée. Il s’agit donc d’un courriel incluant un lien de téléchargement d’une vidéo archivée. Etant donné que le lien ne fonctionne plus, vous vous retrouvez dans l’obligation de contacter l’émettrice du mail, Marguerite Quincy, « records administrator » au département de l’assistance des recherches en vous faisant passer pour en demander un nouveau.

Premier problème : réussir à joindre Marguerite. En effet le numéro des archives est celui d’une plateforme téléphonique standard gérée par un robot. En pressant sur 1, vous avez une présentation des archives, sur 2 les requêtes générales, sur 3 l’assistance aux recherches et 4 pour les collaborations internationales. Le problème des administrations modernes touche aussi les archives : l’absence d’êtres humains et un labyrinthe protocolaire pour réussir à joindre quelqu’un qui peut répondre à nos questions.

Vous réussissez à joindre Marguerite et évitez de vous faire prendre à cause d’une mauvaise liaison. Vous discutez alors avec elle par texto. Si vous réussissez à vous faire passer pour Lawrence, elle vous renverra un lien.

Il s’agit de l’archive vidéo A-113, intitulé « Une citoyenne londonienne déplacée durant la guerre ». Nous découvrons alors un message de la femme de Larry, bloquée dans le passé et enregistré à la destination de ce dernier. Ce message permet en outre de débloquer votre enquête et d’avancer dans l’histoire.

Si de manière concrète, les archives sont rarement des messages d’individus transmis volontairement à travers le temps, il est cependant indéniable que les archives sont un message transmis dans le temps. Un témoignage des actions des gens qui ont produit les archives, permettant d’écrire l’histoire, mais aussi un témoignage de ce que les gens souhaitaient voire perdurer, du choix des documents qui ont été conservés et ceux qui ont été détruits.

Enfin, lors de l’échange de texto, Marguerite vous remercie pour vos échanges : « c’était rafraîchissant de parler à un passionné comme vous. Cela change des chercheurs universitaires et des journalistes habituels. J’ai apprécié notre dernière conversation sur la nature du temps ». Une réalité hélas, bien qu’un archiviste sérieux concentre du temps et de l’énergie de manière équivalente à chaque recherche, il est naturel de porter des intérêts personnels variés selon les sujets. Parfois une recherche inédite de quelqu’un qui ne fréquente pas le milieu archivistique peut s’avérer plus enrichissante et stimulante que celle d’un connaisseur. Et inversement d’ailleurs. Et puis qui de mieux qu’un archiviste pour échanger sur le temps ?

Marc Scaglione

Horizon Forbidden West un jeu vidéo développé par le studio Guerilla Games et édité par Sony Interactive Entertainment. Exclusivité Playstation, il est sorti le 18 février 2022. Il s’agit de la suite directe d’Horizon Zero Dawn, dont nous vous avons déjà parlé ici en 2017.

Quelle est l’histoire ?

Nous sommes six mois après la fin d’Horizon Zero Dawn. Hadès, l’IA malveillante, a été stoppée avant de détruire la ville de Méridian. Problème : le signal qui a éveillé Hadès, il y a vingt ans, a aussi causé la destruction de Gaïa, l’IA gérant le système de terraformation de la Terre. Après deux décennies sans contrôle, le système déraille totalement, l’effondrement de la biosphère est une question de mois. Aloy part donc en quête d’une copie de Gaïa, afin de restaurer le système et éviter la fin du monde.

Et les archives dans tout ça ??

Aloy doit se rendre à l’Ouest pour récupérer une copie de Gaïa mais aussi de ses sous-fonctions, chacune chargée d’un objet : gestion des eaux, de l’atmosphère, de la végétation, etc. En se rendant à l’Ouest, Aloy croise donc de nouveaux clans, tribus et peuples.

Si les archives sont évoquées dans différentes circonstances, je vais me concentrer sur un personnage en particulier. Aloy en cherchant Démeter, l’IA en charge de la végétation, rencontre Alva. Il s’agit d’une devineresse du peuple Quen (prononcé Qwen). Ce peuple vit de l’autre côté de la mer à l’Ouest de San Francisco (probablement en Chine). Elle est membre d’une expédition cherchant des données des Anciens afin de lutter contre la sécheresse et le dérèglement climatique que son pays subit, sans savoir qu’il s’agit d’une conséquence de la disparition de Gaïa. Elle explique alors que les devins sont un groupe de personnes possédant des focus, capable d’obtenir et d’analyser les données des Anciens, qu’ils appellent « l’Héritage ». Mais il ne s’agit pas ici d’une recherche pour l’amour de la recherche. Non le savoir est compartimenté et les données contrôlées par les gouverneurs, qui gèrent les devins, car ce savoir doit servir l’Empereur et son empire de Quen, le « peuple élu » par les Anciens.

Alva la devineresse

Lors de cette première rencontre, alors qu’Aloy cherche un moyen d’entrer dans le complexe où se cache Démeter, Alva lui indique qu’il y a des archives et un plan illisible de l’installation. Aloy s’aperçoit alors que le plan n’est pas invisible mais que le focus d’Alva est un modèle d’ancienne génération incapable de lire les formats produits après 2040.

Un problème de format

Après plusieurs péripéties, Alva finit par rejoindre l’équipe d’Aloy. Elle est alors invitée à la base. Elle s’émerveille alors d’accéder aux données sans restriction, même si la peur des sanctions des gouverneurs la taraude parfois. Et la situation de son pays lui saute davantage au visage : la peur de l’erreur et de ses conséquences funestes. Si un devin consulte ce qu’il ne devrait voir, il peut tout simplement disparaître. Outre la critique du contrôle de l’information, j’y vois une subtile critique de la Chine contemporaine, dystopie à la 1984

Elle comprend aussi qu’à cause des focus vieux modèles en leur possession, leur histoire du monde ancien est faussée et qu’ils n’avaient aucune connaissance de la réelle cause de la fin du monde.

Ainsi la question du rapport au passé se pose encore de manière prégnante dans ce jeu, tout comme dans le premier épisode de la franchise Horizon. Format dépassé, contrôle de l’information, biais de perception sont des enjeux qui impactent la conservation archivistique et la recherche historique à toute époque, et aujourd’hui plus qu’autrefois.

Marc Scaglione