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Nous avons le plaisir d’accueillir une nouvelle contributrice, Rose Chapeau, qui rejoint l’équipe pour un beau billet évoquant des auteurs qui nous sont chers : Preston and Child. Bienvenue Rose et merci à toi !! Attention, cette chronique est susceptible de contenir des spoilers.

Il est grand et très élancé, impassible dans son éternel costume noir. Avec sa peau pâle, ses cheveux blonds presque blancs et son regard argenté, on le prend souvent pour un croque-mort. Il s’agit en fait de l’inspecteur du FBI Aloysius Pendergast, créé en 1995 par Douglas Preston et Lincoln Child.

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Douglas Preston

Preston a travaillé pendant plusieurs années au Muséum d’histoire naturelle de New York, notamment comme directeur de publication des catalogues d’exposition. Child a été éditeur, également à New York. Rien d’étonnant donc à ce que la première aventure de leur héros se déroule au Muséum, dans les couloirs duquel rôde une créature sanguinaire (Relic, paru initialement en France sous le titre Superstition). L’inspecteur Pendergast apparaît alors presque comme un personnage secondaire, dont on ne sait rien sinon qu’il fonctionne de façon atypique : il passe outre la hiérarchie, ne respecte aucune procédure et considère la flatterie et le chantage comme une fin justifiant les moyens.

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Lincoln Child

Depuis, ses  créateurs ont eu tout loisir de développer ce curieux enquêteur et son entourage, à travers quinze romans, dont le dernier en date, Mortel Sabbat, est paru en France en 2016. Malgré sa retenue affective, Aloysius Pendergast sait s’attirer l’amitié de nombreux personnages qui l’aident à résoudre les énigmes étranges auxquelles il est confronté. Conçu comme le digne héritier de Sherlock Holmes, il recherche toujours une explication rationnelle. Il emprunte également au détective britannique une intelligence et une culture hors du commun, ainsi qu’un certain talent pour le déguisement et une maîtrise de techniques de méditation ancestrales. Mais il sait aussi se battre et venir à bout physiquement des adversaires les plus retors. Le tour de force de Preston & Child consiste à distiller en parallèle, livre après livre, des informations personnelles sur leur mystérieux inspecteur : la tactique est payante et peut rapidement vous transformer en lecteur assidu, voire complètement accro !

Et les archives dans tout ça ??

Elles sont partout. Chaque aventure de l’inspecteur Pendergast y fait appel au moins une fois, pour apporter des éléments essentiels à l’avancée de son enquête.

chambre_1Parmi les quinze ouvrages actuels du cycle, le troisième, intitulé La chambre des curiosités, est un des plus riches en termes de références aux archives. Il faut dire que le sujet s’y prête : un charnier datant de la fin du XIXe siècle est découvert sur un chantier de construction de Manhattan. Les os présentent de curieuses entailles, les mêmes que l’on retrouve bientôt sur les corps mutilés qu’un tueur sème dans la ville. Pendergast est persuadé que pour arrêter le meurtrier d’aujourd’hui, il faut retrouver celui du passé.

Pour ce faire, la première étape passe par les archives du Muséum d’histoire naturelle. Les squelettes ont en effet été découverts sous ce qui était au XIXe siècle un Cabinet de curiosités, dont les collections et les documents y afférent sont conservés par l’institution.

Plusieurs scènes se déroulent donc dans ce service qui, il faut bien l’admettre, ne brille pas par sa modernité : « installé dans les sous-sols » et accessible par « un dédale d’ascenseurs de service, d’escaliers en colimaçon, de couloirs sinueux et de passage mal éclairés« , même le personnel du musée a du mal à s’y rendre. L’archiviste est bien évidemment un vieil homme, qui refuse de se servir d’un ordinateur et est considéré par la direction du musée comme  » un reliquat fossilisé d’une ère révolue, un anachronisme vivant dont on aurait dû se débarrasser depuis longtemps« .

Toutefois, le service des archives va permettre de retrouver un document essentiel à l’identification du tueur du XIXe siècle. Quant à  notre archiviste décati, il sera bien mal récompensé de son zèle, puisqu’il finira encorné sur un crâne de tricératops… Dangereux métier !

Par la suite, afin de trouver d’autres renseignements sur le tueur du passé, Pendergast préconise plusieurs pistes. D’une part, il envoie le journaliste Bill Smithback consulter la presse ancienne dans la salle des archives du NY Times, surnommée « La Morgue » (sic). On note au passage que Smithback préfère compulser les éditions papier, quitte à se perdre dans la lecture d’articles sans lien avec son sujet de recherche.

D’autre part, il confie à un inspecteur de police le soin de retrouver les archives d’une pharmacie qui existait à la fin du XIXe siècle et qui fournissait le tueur en produits chimiques. Malgré l’incendie qui a ravagé l’endroit en 1924, le policier met la main sur deux livres de comptes détaillés antérieurs, sauvés des flammes et conservés précieusement dans le coffre fort de l’officine.

Enfin, l’inspecteur du FBI s’attaque aux Archives municipales, afin de lister les demeures du Nord Ouest de Manhattan antérieures à 1900. A la Public Library de New York, il consulte la collection léguée par le responsable du cadastre de la ville à la fin du XIXe siècle: il y prend connaissance de copies d’actes de propriété, dont les originaux, conservés par l’Académie d’histoire de New York, ont disparu…

Malgré les efforts de l’inspecteur du FBI pour retrouver l’adresse du tueur du passé, c’est le journaliste Bill Smithback qui y parvient le premier. Il a en effet l’idée de s’introduire dans la salle du Muséum renfermant les archives du personnel, pourtant gardées par deux agents de sécurité. Le dossier recherché est – bien sûr- manquant, mais heureusement, il existe des copies carbone qui ont échappé à la vigilance du tueur !chambre_2

Si La Chambre des curiosités est un cas d’école, l’importance des archives pour lire le passé et comprendre le présent est un thème sous-jacent dans tous les ouvrages du cycle. C’est assez inattendu dans l’univers du polar, surtout de façon récurrente. On peut aussi signaler la présence de nombreuses institutions patrimoniales américaines au gré des différents tomes. A vrai dire,  les livres de Preston & Child pourraient parfaitement faire l’objet d’une chronique pour un blog « Musées et culture pop' », ou encore « Bibliothèques et culture pop' ». A bon entendeur…[ndlr : nous accueillerons avec bienveillance les bibliothécaires et personnels des musées qui souhaiteraient s’y mettre en leur créant des sections adéquates]

Rose Chapeau