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La Brigade chimérique, ultime renaissance est une œuvre graphique du scénariste Serge Lehman et du dessinateur Stéphane De Caneva. Cette bande dessinée est publiée chez Delcourt en 2022 et fait suite à une première série sortie en 2009 et 2010 chez l’Atalante. Si la série originelle se déroulait aux confins des deux guerres mondiales, Ultime Renaissance a pour cadre notre monde contemporain et ses peurs primales, le tout accompagnant une renaissance des super-héros européens complétée d’un hommage à la littérature fantastique et aux comics américains.

Quelle est l’histoire ?

Un rat humanoïde attaque les voyageurs d’une rame de métro parisien, la capitale est terrorisée. Marginalisé à l’Université pour ses recherches sur l’Hypermonde, le professeur Charles Deszniak dit « Dex » déménage peu à peu ses archives de son bureau, sentant la fin prochaine du financement de ses recherches et de son laboratoire d’archéologie culturelle.

Alors que la ville est à feu et à sang, Dex est abordé par Nelly Malherbe, employée de la Préfecture, qui lui demande son aide afin de rassembler des surhommes pour lutter contre le Roi des Rats et sa clique. Tous deux partent alors en quête des anciens super-héros européens oubliés. Ils formeront donc une équipe avec Rigg, l’homme-truqué et Félifax, une femme-tigre féministe, végane et bisexuelle auxquels viendront s’adjoindre d’autres personnages tout aussi fantastiques.

Et les archives dans tout ça ??

Brigade Chimérique : ultime renaissance est un véritable hommage aux archives dont Serge Lehman connaît parfaitement les problématiques. Dans une vignette, il insiste d’ailleurs sur « le rôle des archives dans cette histoire », soulignant donc encore un peu plus l’importance de ce sujet.

Serge Lehman montre les questionnements concernant les archives de la recherche : l’université prive Dex de son local, ce dernier entrepose donc une partie.de ses documents chez lui, au grand dam de sa femme qui se voit envahie par des cartons. On pourrait se poser la question du statut de ces archives qui sont en théorie publiques puisque l’enseignant-chercheur les produit en tant que fonctionnaire. Ceci montre par ailleurs la déshérence des archives des universitaires qui sont peu archivées dans les services publics et disparaissent parfois faute de moyens et d’attention. Les archives de Dex et de son assistant sont foisonnantes et sont à même d’expliquer des phénomènes devenus obscurs. La mémoire humaine a occulté un grand nombre de faits et de personnages dont seules les archives – notamment des récits devenus fictionnels – ont conservé la trace. Questionner les archives comme des possibles advenus mais tombés dans l’oubli est le travail de Dex. On peut le rapprocher de recherches d’universitaires bien réels comme Jérémie Foa qui, dans Tous ceux qui tombent, ressuscite un passé largement occulté et pourtant bien présent dans les archives.

Cet ouvrage évoque aussi la brûlante et délicate question de l’accès aux archives du pouvoir lorsque Dex rencontre Nelly et le sous-préfet qui, ayant besoin de ses services, lui proposent de lui donner accès aux documents dont on lui refuse la communication depuis cinq ans. Une communicabilité à géométrie variable, en fonction des nécessités définies par le pouvoir ? Est-on si loin des débats actuels ? Pour faire progresser ses recherches, Dex doit inévitablement confronter les archives officielles et les siennes. C’est d’ailleurs dans les dossiers préfectoraux que les protagonistes trouvent une partie des réponses à leur questionnement. Plus loin dans le récit, ce sont les archives du Ministère de la Défense qui offrent quelques solutions aux interrogations du groupe. On est un peu interloqués de voir les dossiers préfectoraux et militaires se promener dans les mains de Nelly mais nous supposerons qu’il s’agit de copies.

Une autre manière de démontrer l’importance capitale des archives : la rencontre avec le thésard de Dex qui a pu localiser un artefact grâce à des documents trouvés presque par hasard, une situation que les chercheurs se donnant la peine de compulser les archives connaissent bien.

Serge Lehman montre également combien la redécouverte des archives dites « de Moscou » ont permis de faire avancer les travaux des historiens sur la période contemporaine. Il n’oublie pas de mentionner le trafic dont ces documents ont pu faire l’objet, à l’encontre de toutes les lois archivistiques. Les archives sont les « souvenirs d’un monde perdu », une jolie définition. Avec l’activité de Dex, Serge Lehman montre que ce monde perdu peut refaire surface, si tant est qu’on trouve des documents et qu’on puisse les faire parler. La vérité se cache parfois dans les archives fictionnelles qui exhalent des pans de récits oubliés, des histoires alternatives.

Enfin, les archives permettent aussi à certains personnages, comme Nelly Malherbe, de connaître leur histoire familiale et de comprendre ainsi la situation présente et leur héritage.

Présentes presque à chaque page des Brigades Chimériques, Ultime Renaissance, les archives en sont le véritable fil rouge. Qu’il s’agisse des archives de la recherche, des archives du pouvoir ou d’archives personnelles, elles irriguent le récit. L’auteur montre aussi l’intérêt des documents de fiction pour appréhender le monde, terminant de manière extrêmement poétique cet hymne aux archives : « pour nous trouver, c’est facile, il suffit de vous souvenir » dit un des personnages tandis que l’ouvrage se referme sur un groupe de jeunes un livre à la main.

Sonia Dollinger

Jean Doux et le mystère de la disquette molle est une bande dessinée d’humour et d’aventure signée Philippe Valette, éditée chez Delcourt en 2017. Il s’agit de la deuxième BD de l’auteur, après sa série humoristique Georges Clooney.  Jean Doux (c’est plus court) est plébiscité par le public et la critique et reçoit deux prix : le prix Landerneau BD 2017 et le Fauve Polar Sncf d’Angoulême 2018. Le début de la BD est décliné en jeu vidéo en ligne accessible sur le site de Delcourt.

Quelle est l’histoire ?

23 décembre 1994, Jean Doux, juriste, arrive en retard à son boulot chez Privatek, une société de vente de broyeuses à papier et rate une réunion de première importance. Après avoir été réprimandé par le directeur, Jean Doux se cache pour fumer une cigarette dans le débarras. Par pur hasard, il découvre dans le plafond une mallette contenant une disquette molle datée de 1976. C’est là que l’aventure commence !

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La découverte de la disquette molle

 

Et les archives dans tout ça ??

Quel archiviste n’a pas eu la chance de dénicher des archives dans des endroits insolites ? On peut classer le faux plafond dans cette catégorie ! Lorsque l’on découvre un support de dématérialisation (disquette molle, disquette, CD mais aussi bandes magnétiques par exemple), il est nécessaire de trouver un appareil de lecture. C’est une aventure à part entière pour récupérer la machine idoine.

Une fois Jean Doux équipé, il lit la disquette et tombe sur des lignes de code incompréhensibles. Face à cela, il décide de retracer le contexte d’origine de la disquette en retournant dans le débarras où il l’a découvert. Mais le débarras a été vidé. Lui et ses compagnons d’aventure identifient finalement le débarras comme l’ancien bureau 33. Ils partent alors en quête du trombinoscope de 1976. Il est nécessaire d’aller aux archives.

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Un mur d’archives !

Et là c’est le drame ! Les archives de Privatek sont en réalité un mur de meubles à dossiers posés les uns sur les autres en fonction de la date des documents que le dit meuble contient. Le mur ne semble pas connaître de limite de hauteur. Outre la hauteur, Jean Doux n’est pas aidé par le classement, qui est plus que sommaire. Les dossiers n’ont aucune ordre logique.

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De l’utilité d’un plan de classement…

On peut analyser ce passage de deux manières. Dans un premier temps, les archives sont décrites dans de nombreuses œuvres comme des montagnes de papier difficiles d’accès d’un point de vue intellectuel, l’archiviste est souvent alors le gardien et le guide dans ces zones. Mais ici pas d’archiviste. Dans un second temps, Philippe Valette offre avec cette BD un portrait du monde de l’entreprise sarcastique, espace de convivialité, de soumission, sans logique. Et quoi de plus illogique qu’une entreprise qui vend des broyeuses à papier comme solution de gestion des documents et qui vit sur une montagne d’archives non traitées ?

Jean Doux finit par trouver le trombinoscope et la bande joyeux drilles continue alors son aventure !

Souvent perçues comme une montagne difficile d’accès, parfois symbole de l’hypocrisie des institutions publiques et privées, les archives sont aussi source d’aventure. Dénicher l’archive, trouver un moyen de la lire, essayer de la comprendre, en trouver l’origine, voilà une aventure qui est la parfaite description de notre travail ! On peut donc affirmer sans aucun doute que les archivistes sont des aventuriers ! Des aventuriers de l’ombre, des aventuriers de bureau et d’open space, mais des aventuriers tout de même !

Marc Scaglione

L’univers de Star Wars est décidément fort riche en citations d’archives. Nous avons déjà évoqué l’Attaque des Clones et son archiviste mal embouchée, il est temps maintenant de se promener dans l’univers étendu et de faire référence aux ouvrages publiés chez Delcourt qui prennent place entre les deux films que sont l’Attaque des Clones et la Revanche des Sith.

clonewars5_1Clone Wars est une série de dix livres dont l’histoire se déroule quelques mois après la bataille de Géonosis qui marque véritablement le début de la guerre des Clones. Clone Wars explore les ravages de la guerre, la montée en puissance d’un Palpatine bien installé dans son rôle de Chancelier Suprême et les méandres du personnage d’Anakin Skywalker.

Le cinquième tome de la collection, intitulé Les meilleures lames, évoque l’évasion d’Obi-Wan Kenobi, prisonnier de Ventress sur la planète Rattatak, l’opposition naissante entre le sénateur Bail Organa et le chancelier Palpatine ou les velléités séparatistes d’Alaric, roi de Thustra.

Ce cinquième tome est assez passionnant dans ce qu’il montre des intrigues politiques qui poussent le monde à la guerre malgré quelques rares bonnes volontés comme celles du sénateur Organa ou du malheureux précédent chancelier Valorum qui termine tragiquement son existence.

Et les archives dans tout ça ??

Si elles ne sont pas au cœur du récit et relèvent plutôt de l’anecdote, les archives sont toutefois citées dans ce volume.

Alors qu’il rentre sur Coruscant après avoir été au chevet de sa femme victime d’une fausse couche, le vaisseau du sénateur Bail Organa est attaqué par un convoi de pirates. Avec l’aide des Jedi, Organa se tire de ce mauvais pas et finit par atterrir sur la capitale de la République.

Le sénateur est rentré pour demander des comptes à la suite de la sanglante bataille de Jabiim, l’une des plus cruelles défaites de la République. Or, le chancelier lui répond que la question a déjà été traitée en son absence et qu’il est inutile de recommencer le débat. La sénatrice Mon Mothma dément et indique que la seule trace de la bataille se trouve « dans une petite note glissée dans les archives et enterrée. »

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Ainsi, le chancelier, s’il n’a pas du tout envie de donner de la publicité à ce qui s’est réellement passé sur Jabiim – l’abandon des Jabiimites par Anakin – a tout de même tenu à notifier le récit en le déposant directement dans les archives. Si Mothma assimile ce geste à un enterrement, il n’en reste pas moins que les archives conservent bien trace de l’événement et qu’il ne semble pas si difficile d’y accéder puisque le sénateur Organa précise : « je sais, je l’ai lue sur le chemin du retour à Coruscant« . Les archives sont donc apparemment consultables sans trop de souci – pas de délai de communicabilité opposable au sénateur – et à distance puisqu’Organa a consulté la note dans son vaisseau.

C’est à partir de cette note trouvée dans les archives que Bail Organa développera des doutes sur l’attitude du chancelier Palpatine, doutes qui ne feront que s’amplifier par la suite. D’un simple document trop vite archivé peuvent découler bien des événements.

Sonia Dollinger