Mercy, Mary, Patty, des archives révolutionnaires

Publié: 11 avril 2019 dans Littérature
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Mercy, Mary, Patty est un roman de Lola Lafon paru en 2017 chez Actes Sud. L’autrice a été récompensée à plusieurs reprises pour son ouvrage La Petite Communiste qui ne souriait jamais, un titre qui a été traduit en plusieurs langues.

Quelle est l’histoire ?

Mercy_Mary_PattyGene Neveva est une universitaire américaine invitée pour un an en France, dans une petite ville landaise. Elle est chargée de rédiger un rapport pour l’avocat de Patty Hearst, petite-fille du célèbre magnat de la presse, William Randolph Hearst – qui a, entre autres, servi de modèle pour Citizen Kane – enlevée par un groupuscule révolutionnaire dont elle a vite épousé la cause.

Afin de dépouiller les multiples articles de presse et le volumineux dossier qui lui a été confiée, Gene Neveva embauche une jeune étudiante, la timide Violaine, qui se prend assez vite de passion pour l’affaire Hearst et pour Gene Neveva. Toutes les deux vont retracer pas à pas l’étonnant parcours de Patty Hearst.

Avec cet ouvrage, Lola Lafon se livre à une véritable enquête sur Patty Hearst et démontre que les apparences et la réalité ont parfois bien du mal à se démêler.

Et les archives dans tout ça ??

Les archives sont évoquées une première fois lorsque Gene Neveva et Violaine discutent à propos de la thèse rédigée par l’universitaire américaine. Ses recherches avaient, en effet, porté sur le sort de femmes enlevées par des Amérindiens en 1704. C’est après avoir vu une plaque mentionnant l’affaire que Gene s’est rendue « aux archives de Smith » pour y dénicher « une documentation qui n’intéresse plus grand monde« . Certes, cependant, les archives donnent des précisions sur des faits précis qui se sont déroulés au XVIIIe siècle et sans ces archives, cette plaque de rue ne serait finalement qu’une mention courte sortie de son contexte. Fort heureusement, parfois, un fait interpelle un chercheur et le conduit aux archives. Ces dernières donnent d’ailleurs une version de l’histoire moins manichéenne qu’on le souhaiterait : nombre de ces femmes enlevées par les Indiens n’ont pas voulu être « libérées » et ont préféré continuer leur vie avec leur nouvelle famille.

C’est à travers les yeux d’une jeune femme qui fréquente Violaine que les archives vont ensuite réapparaître. Violaine raconte à son élève sa fascination pour Gene Neveva et Patty Hearst. La jeune femme fascinée décide de partir aux Etats-Unis étudier dans l’université où Neveva enseigne. Elle a ainsi accès « aux archives complètes du procès » de Patty Hearst. Elle tombe sur un carton d’archives dans lequel se trouve un film de l’attaque de la banque Hibernia par Patty Hearst et le groupe révolutionnaire dont elle a fini par devenir membre. Comment ce document se trouve-t-il dans un carton d’archives du Smith College ? Mystère, en tous les cas, notre étudiante y a accès sans le moindre problème. Elle accède également aux six cents pages du procès et passe ses journées aux archives et à la bibliothèque. On peut donc constater que l’accès aux archives judiciaires est relativement simple et surtout que ces documents se retrouvent dans des endroits plutôt inattendus. La jeune femme cherche aussi des preuves de la participation de Gene Neveva au procès de Patty Hearst mais les archives semblent indiquer que le rôle de Gene n’était pas aussi important que ce qu’elle a bien voulu en dire. Ainsi, il est toujours bon de confronter le récit autobiographique et les documents d’archives quand cela est possible afin d’avoir une vision plus équilibrée – sinon plus juste – d’un événement.

Enfin, notre étudiante démontre qu’il faut toujours replacer sa recherche dans un contexte. Elle ne se contente pas de consulter les archives du procès mais compulse également des fanzines de l’époque, des quotidiens, des tracts pour mieux s’imprégner du contexte politique et social. Une bonne leçon de méthode pour un chercheur en herbe qui aurait tendance à ne vouloir se contenter que des sources disponibles en ligne…

Un fait marquant, des assertions à vérifier, des recherches universitaires et une plongée dans les archives de l’Amérique des années 1970, les thématiques proposées ici recoupent les préoccupations des chercheurs et montrent l’importance des archives dans une démarche de recherche sérieuse.

Sonia Dollinger

 

 

 

commentaires
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