Archives gaffeuses

Publié: 22 mars 2015 dans BD, comics, manga
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Aujourd’hui nous accueillons une collègue archiviste, Géraldine Faupin, pour évoquer une des figures tutélaires des archivistes : Gaston Lagaffe, bienvenue à elle !

Récemment, à l’occasion d’un exercice consistant à rechercher dans notre culture des références aux Archives et au métier d’archiviste, je me suis replongée avec grand plaisir dans mes albums de Gaston Lagaffe.

Gaston Lagaffe a été créé par le dessinateur André Franquin. Avant de devenir un personnage de bande dessinée vivant dans les cases d’une planche, Gaston a évolué au sein du Journal de Spirou dans des illustrations humoristiques. Il y apparaît pour la première fois en 1957 et participe à l’animation du journal pendant presque une année. Ses gaffes lui donneront un nom de famille ! L’album n°1 intitulé « Les archives de Lagaffe » regroupe toutes ces images.

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Le personnage de Gaston prend tellement d’importance dans le Journal de Spirou qu’il finit par lui en voler la vedette régulièrement. Et c’est ainsi que Gaston obtient sa série à part entière. Le premier album de Gaston Lagaffe paraît en 1960. En tout, la série comptera 19 tomes.

Gaston « travaille » au Journal de Spirou. On ne sait pas vraiment comment il a atterri là. Le personnage de Gaston est introduit par ce dialogue lors de sa rencontre avec Spirou (Spirou, n° 990) : gaston02

Quelqu’un a dit à Gaston de venir mais il ne sait plus qui… On lui a dit de venir pour travailler, qu’il était embauché, mais il ne sait pas pour quoi faire ! Gaston est l’anti-héros par excellence. D’abord sans-emploi, Gaston va vite trouver à occuper ses journées en devenant un peu le garçon à tout faire, ou plutôt à ne rien faire… Tout est bon pour éviter de travailler. Il occupe ses journées au bureau à dormir, à inventer, à bricoler, à jouer de la musique, à élever des plantes et des animaux, à écouter des matchs de football, à faire des expériences et surtout à éviter de faire le peu de travail qu’on lui confie.

Après quelques tentatives pour en faire un coursier, un garçon de bureau acceptable ou un archiviste, on lui confie comme principale tâche la responsabilité de répondre au courrier des lecteurs du journal.

Mais Gaston est un électron libre. Le carcan d’une rédaction d’un journal pour les jeunes ou tout autre environnement de travail ne lui convient pas. Il ne peut se consacrer qu’aux seules tâches qui l’intéressent (surtout pas celles du bureau…). C’est un personnage très attachant, car il est incapable d’être violent et il est d’une amitié sans faille pour ses collègues de bureau et ses relations en dehors du cadre de travail. C’est un grand rêveur qui a une vision idéaliste du monde. Il fait preuve d’une grande intelligence dans tout ce qu’il entreprend… Mais, il n’a aucune conscience des conséquences, la plupart du temps néfastes, pour son entourage ; il provoque de manière certaine des catastrophes… Mais toutes ses victimes ont vite fait d’oublier et lui ont pardonné sauf peut-être l’agent Longtarin et le financier de Mesmaeker !

Le secret de son humour réside dans la justesse de ton. Bien avant les mouvements écologistes, il traite de la pollution (la voiture de Gaston) et du massacre de la faune (chasse à la baleine, mouettes goudronnées). Gaston est un écologiste avant l’heure et un pacifiste. En fin de gag, on sourit, tout en sachant que le propos est grave.

Et les Archives dans tout ça ??

Dans la série, les protagonistes parlent du service « documentation », mais il s’agit bien d’archives. Le lecteur en a cette perception puisque cette « documentation » est présentée avec les clichés de l’imaginaire collectif se rapportant aux archives : c’est un tas de vieux papiers poussiéreux et encombrants. La rédaction n’en a plus d’utilité quotidienne, mais elle les conserve dans une pièce spécifique. Elle les stocke, mais elle ne les gère pas et cela donne « une montagne de papier » !

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Dans la série, il est difficile de situer exactement les archives dans l’immeuble. Le lieu semble perdu, introuvable. C’est l’endroit parfait pour Gaston : personne ne sait vraiment où c’est et personne n’y vient ! Il se fait donc un joli nid douillet au sein des archives. L’image renvoyée est que les archives c’est la planque idéale.

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Avant de chercher à consulter un document, il faut d’abord chercher la salle d’archives ! Et quand on la trouve, il faut préparer toute une expédition pour envisager d’y entrer

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Aller aux archives demande de la préparation et beaucoup de motivation, et on n’est pas sûr d’en revenir !

La pièce est immense : ses dimensions semblent sans fin. Et elle est saturée d’archives. Le lieu est sombre, sans fenêtres, isolé et encombré de toutes sortes de choses (livres, papiers, armoires, lampes de bureau et autres objets incongrus). Le lieu semble en effet également servir de débarras.

Le service d’archives est représenté comme un grand bazar sans nom, sans aucun classement, où le demandeur est noyé sous la masse.

Dans la série, à un moment, on confie à Gaston la tâche de gérer le service « documentation ». Est-ce une manière de se débarrasser de lui, en le mettant « au placard », ou une véritable affectation ? Les intentions ne sont pas clairement expliquées dans la bande dessinée.

Dans un premier temps, Gaston voit cette nouvelle mission comme un moyen de se planquer, d’être tranquille. Puis, petit à petit, il va finalement se prendre au jeu et s’investir dans son travail. Il va même essayer de mettre de l’ordre et d’organiser les archives, à sa manière…

Il commence par un escalier…

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Puis s’essaye à une architecture plus poussée gaston07

Avant de perfectionner sa technique et de construire un vrai service d’archives, avec accueil du public, réalisé avec… les archives elles-mêmes !

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Gaston va également s’essayer au « record management » en mettant au point une procédure toute personnelle de classement, de tri et de gestion du courrier à base de micro-perforations…

Et Gaston inventa le cactus-classeur !

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Dans la bande dessinée, les archives ne sont pas un endroit où l’on se rend de gaieté de cœur. D’ailleurs, la plupart des protagonistes ne s’y rendent pas tout court. Lorsque Gaston prend les archives en charge, il va multiplier les efforts pour rendre le lieu plus agréable, au début pour lui (en faisant son nid douillet) puis pour les autres. Pour donner envie aux gens de venir aux archives, il va imaginer un stratagème ludique : il va créer un labyrinthe d’archives !

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Et ça marche ! Les gens de la rédaction viennent se perdre volontairement aux archives.

Bien que la bande dessinée renvoie globalement une image poussiéreuse des Archives (elles apparaissent volumineuses, encombrantes, mal rangées), Gaston arrive, avec sa façon bien à lui, à nous y intéresser et, comme à son habitude, rend le métier d’archiviste très ludique !

A-t-il réussi à vous convaincre de venir découvrir les Archives ?

Géraldine Faupin

commentaires
  1. […] Géraldine Faupin : archiviste archéologue, elle a évoqué pour nous la mascotte des archivistes : Gaston Lagaffe. […]

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  2. […] a déjà proposé quelques références incontournables de la bande dessinée franco-belge avec Gaston Lagaffe, Astérix ou encore Yoko Tsuno. Il était donc plus que logique que nous nous penchions sur Tintin. […]

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